Pensées et ravissements, Appel aux guerriers pacifiques - page 131 à 143

 

Notre devoir de nanti

Alors que les cauchemars étaient devenus de fidèles compagnons nocturnes pendant des mois, mon récent éveil m’avait libérée de l’emprise des vapeurs noires de l’angoisse.

Cependant, pour y accéder, il m’avait fallu passer par une étape quelque peu douloureuse.

 

En effet, la veille de la première ligne de ce livre, personne, à part ma mère, n’avait composé mon numéro pour me souhaiter une bonne trentaine.

Et c’est cet événement, causant une profonde mélancolie, qui me fit connaître à quel point mon âme pouvait être apaisée dans les moments pénibles de l’existence par l’amour du Très-Haut.

Je vous accorde que cela n’était pas nuisible à mon environnement immédiat. C’était plutôt même la plainte typique d’une nantie, puisque mon ventre ne criait pas famine à cet instant !

 

Alors que j’étais jetée dans un complet désarroi, je pris conscience d’une évidence : ce ne sont que de minimes raisons, non vitales, à l’inverse des raisons de la plus grande partie de l’humanité, qui peuvent permettre aux biens aisés de se projeter vers la réalité.

C’est pourquoi chacun d’entre nous, qui a le ventre plein et un toit, a le devoir de devenir un être éclairé. 

Il ne s’agit pas d’un estomac vide qui n’a les moyens matériels d’être comblé mais d’un vide affectif au sein de notre conscience.

Alors, il peut être rempli par des pensées positives, des recherches constructives, l’apport continu d’informations spirituelles nous sortant de l’obscurité de notre isolement.

En fait, cette soif de connaissances ne peut s’orienter ni vers la science ni vers une foi exaltée mais vers les deux réunies dans un même élan de pensée, en parfait équilibre entre la subjectivité et l’objectivité.

Martin Luther King fait la lumière à ce sujet lorsqu’il met en évidence que : « La science recherche, la religion interprète. La science donne à l’homme une connaissance qui est puissance, la religion donne à l’homme une sagesse qui est contrôle. La science s’occupe surtout de faits, la religion s’occupe surtout de valeurs.

Ce ne sont pas deux rivales, elles sont complémentaires. La science empêche la religion de sombrer dans l’irrationalisme impotent et l’obscurantisme paralysant. La religion retient la science de s’embourber dans le matérialisme suranné et le nihilisme moral ».

 

D’autre part, ce qui est explicable forme un tout avec ce qui ne l’est pas.

En effet que serait devenue la relativité actuelle sans l’intuition première d’Einstein à son sujet ? C’est justement parce qu’il s’est laissé aller à l’insondable qu’il a pu sonder une vérité essentielle.

Mais cette fameuse inspiration n’est que la voix des anges dont on saisit l’envol, que notre esprit entend à un moment donné et surtout car il saisit le sens des paroles.

Ainsi, tout le monde connaît le vieil adage « la nuit porte conseil ». Il nous arrive très souvent de découvrir la solution d’un problème complexe pendant un rêve, alors que nous en étions incapables à l’état de veille.

Malgré Freud et Jung (éclairant les mécanismes du rêve de deux points de vue différents) et les avancées de la psychologie cognitive (étudiant les traitements de l’information par notre cerveau, y compris lors du sommeil), nous n’avons pas encore saisis toute l’ampleur des relations entre le visible et l’invisible.

 

Qui plus est, si la religion n’est pas issue du monde matériel et donc sans les fondements nécessaires revendiqués par les scientifiques, toute connaissance scientifique peut être remise en question par une nouvelle, bouleversant ses fondations qui semblaient pourtant solidement ancrées.

Ainsi, les fascinantes trouvailles des anthropologues sur nos origines : Lucy n’est plus la doyenne de l’humanité, on a découvert il y a quelques années un de ses contemporains censé être d’un stade antérieur balayant par là même nos certitudes.

Nous apprenons ainsi à devenir humbles quand nos grandes vérités sont détrônées, au fur et à mesure des nouvelles découvertes archéologiques ou scientifiques.

Cette capacité à se remettre en question est le moteur même de toute progression. L’apparition de nouveaux théorèmes scientifiques en dépend.

Mais il est difficile pour l’homme d’abandonner des vérités qu’il croyait absolue.

On jeta des pierres à Copernic lorsqu’il démontra, contrairement aux idées de l’époque, que la Terre n’était pas l’immobile centre de l’Univers mais qu’elle tournait sur elle-même et autour du soleil…

Ainsi en va-t-il du tombeau de Jésus découvert depuis peu. Il sera d’abord nié en bloc jusqu’à ce que les chrétiens soient suffisamment forts pour abandonner l’idée de résurrection au sens ou ils l’entendent actuellement.

 

Nous sommes peu de choses et l’anthropologie, l’archéologie et d’autres études du passé nous l’enseignent en façonnant peu à peu la Grande Histoire, bien plus que nos manuels, écrits par des mains d’hommes, à la merci du pouvoir en place.

Nous avons grâce à ces disciplines un panorama des sociétés humaines, de leurs points forts, de leurs points faibles, de leur prospérité et de leur décadence.

 

Bernard Werber, journaliste et romancier de grand talent que je vous invite à lire tout particulièrement, a cultivé l’art de les décortiquer sous nos yeux de lecteurs ébahis. Nous n’avons plus qu’à en tirer des leçons et à les appliquer.

Je suis sidérée de constater que tant d’outils restent encore inutilisés pour tenter de faire mieux ou du moins d’éviter le pire…

Nous sommes des nantis par le fait de posséder tous les outils nécessaires à notre réalisation. Il nous reste cependant à nous en servir.

 

Alors, sans contester toutes ces données scientifiques, Dieu prend toute sa place.

Ainsi, selon moi, les jours de la semaine de la Création sont symboliques et sont à comprendre à une échelle archéologique.

Mais tout comme l’instituteur ne peut apprendre les divisions à l’élève de CP, peut-être Dieu n’a-t-il pu à l’époque révéler le concept de temps archéologiques, l’homme ayant reçu les paroles de la genèse n’ayant pas la faculté de les comprendre.

Nantis sommes nous d’autant plus aujourd’hui que notre conception du monde s’est élargie.

 

Cependant, la pomme a bien été mangée : l’accès à la connaissance, déconnectée d’un profond amour de tout ce qui nous entoure nous conduit à notre perte.

L’instinct de survie de tout homme doit à l’heure présente nous crier à l’oreille qu’il est grand temps de sauver la peau de l’humanité.

Dépendant directement de notre environnement, nous n’avons d’autre choix que de panser ses plaies, quelles soient humaines, animales ou végétales et d’apprendre à nos enfants ce dont nous ne prenons conscience que bien tard : le Respect Universel.

Or chaque jour la forêt Amazonienne hurle de désespoir face aux coupes contrôlées qui finiront par avoir raison d’elle (et de nous) lors du vingt et unième siècle si nos dirigeants politiques continuent de fermer les yeux au nom de la sacrosainte Bourse monétaire, du Dieu Marché, du Veau d’Or…

 

Et pourtant, des solutions existent !

Par exemple, en lisant Graines de possible, de Nicolas Hulot et Pierre Rabhi, je découvris un de nos maîtres.

En effet, Pierre Rabhi, nous apprend comment faire pousser des légumes sans additifs de croissance, sans pesticides et ne nécessitant que très peu d’eau.

Ses conseils sont déjà appliqués localement en Afrique et font des miracles.

 

Une école s’est même ouverte en France et ne cesse de faire des émules.

Mais cela reste encore à petite échelle, selon les moyens du grand initiateur car il en va de la sueur de son front et de ses limites strictement matérielles.

Alors si son œuvre va grandissant de jour en jour, beaucoup trop de ventres crient encore

Le cri du papillon retentit en plein désert

 

famine. Il faut absolument que cette façon d’exploiter la nature s’étende de façon exponentielle car elle est infiniment respectueuse, économe et productive et peut changer la donne.

Il est temps aux hommes politiques de prendre le relai pour étendre de toute urgence cette nouvelle conception agricole à tous le pays, en lançant par là même un ultimatum mondial car l’eau est à économiser de toute urgence.

Nantis sont les pays riches car c’est eux qui ont le pouvoir de déclencher cette nouvelle politique agricole mondiale, puisque c’est eux qui tiennent les rênes du monde actuel.

Le système entier est à revoir : nous devons absolument revenir à l’exploitation à taille humaine et au produit du terroir. Notre avenir en dépend.

 

Et que dire du retard accumulé par la France en termes d’écologie, d’énergies propres et d’alternatives au nucléaire ?

Ainsi, pourquoi en France, le GNV (gaz naturel pour véhicules) est-il encore limité aux véhicules des collectivités alors qu’il en est tout autrement en Suède et en Suisse ? Ces pays s’apprêtent même à installer des bornes de biogaz (gaz écologique obtenu par fermentation des déchets) pour le public !

Pourquoi les toilettes sèches sont si peu répandues alors qu’elles permettraient de réduire de façon conséquente le gâchis actuel de cette eau devenue si précieuse ?

Cette question post-intestine n’est pas anodine. Une meilleure gestion de ce caca collectif nous éviterait bien des em… ! Et dire que les chinois utilisent déjà leurs gaz pestilentiel pour se chauffer et chauffer leurs aliments…

Tant de bons exemples écologiques sont sous nos yeux inertes d’occidentaux baignant dans un confort arrogant.

 

Et pourtant, c’est un devoir de citoyen terrien que de s’armer du plus pur Amour afin d’éteindre les braises, perles d’envie, de convoitise et de faux besoins qui sommeillent en chacun de nous.

Nous, les nantis que nous sommes, devons encore plus que quiconque freiner notre surconsommation pour qu’elle s’aligne sur ce que la terre est naturellement prête à nous donner.

Nantis sommes nous encore car il ne s’agit pas pour nous d’avoir faim mais d’acheter le moins d’emballages possibles. Il ne s’agit pas de s’éclairer uniquement à la bougie ou à la lampe à beurre de yak mais de ne plus laisser nos appareils électriques en veille.

Nantis sommes nous car ce ne sont, et à la différence de la majorité des êtres humains, que de minimes changements dans notre façon de vivre qui peuvent déjà changer considérablement les choses.

Ainsi, selon Jean Ziegler, rapporteur spécial de la Commission des droits de l’Homme de l’ONU pour le droit à l’alimentation, « Nous pouvons, à notre niveau, agir en tant que consommateurs face aux stratégies inadaptées des grands groupes industriels : refuser d’acheter de la nourriture transgénique (véritable catastrophe pour les paysans qui ne peuvent utiliser les semences des récoltes d’une année sur l’autre), acheter des aliments produits dans notre pays et, si possible, de saison, favoriser, enfin, le commerce équitable ».

 

Pour mettre en évidence à quel point nous sommes privilégiés, je fais place maintenant à une petite leçon de géographie, intitulée « Le monde entier est un village global » par des camarades professeurs des écoles :

« Imaginons un instant que ce village soit composé de cent habitants :

20 personnes (uniquement des hommes), possèderaient 80 % du village et de ses richesses. Une femme seulement possèderait sa propre terre.

42 personnes ne boiraient jamais d’eau potable.

60 personnes sauraient lire, écrire et compter. 40 seraient des hommes.

50 habitants pourraient avoir accès aux soins de santé.

Huit personnes auraient accès à un ordinateur, dont six connectées à un réseau de type internet.

Une personne serait considérée comme riche, c’est-à-dire possédant plus de richesses que nécessaire pour assouvir ses propres besoins et ceux de sa famille. Elle possèderait à elle seule 50 % du village et de ses richesses.

La bibliothèque du village ne serait accessible qu’à 24 personnes, les autres en seraient interdites.

Le cinéma serait visité chaque semaine par une personne, toujours la même.

L’électricité serait coupée environ 50 % du temps, faute de moyens.

30 personnes gaspilleraient 90 % des ressources naturelles et énergétiques du village.

5 personnes seraient déjà parties en vacances…

 

Alors, êtes-vous maintenant convaincus que nous sommes des nantis ?

De plus, Jean Ziegler, de l’ONU ajoute : « Etant donné l’état actuel de l’agriculture dans le monde, on pourrait nourrir 12 milliard d’individus sans difficulté. Pour le dire autrement, tout enfant qui meurt actuellement de faim est, en réalité, assassiné ».

 

De plus, nous tous qui sommes en bonne santé, sommes vraiment des privilégiés par rapport à ceux dont la santé est fragile.

De même le malade européen est un nanti aux yeux du malade africain.

Et alors que nous ne perdons pas de temps et d’énergie à combattre la maladie, nous nous plaignons d’aise, tandis que ceux qui luttent jour après jour atteignent une philosophie d’esprit incomparable…

Ils ont compris dans leur chair l’importance de la vie et que nous ne pouvons exister dans la joie qu’en parfaite cohabitation avec tout ce qui nous entoure.

Cette symbiose ne peut être atteinte qu’en nous rejoignant par ce respect de la Nature et cette volonté de l’épargner.

 

Et pourtant, même l’égoïste peut s’y retrouver s’il daigne songer au monde de paix que cela engendre pour lui et les siens, s’il daigne songer un seul instant que c’est un monde tout court qu’il s’agit de confier à sa descendance, car nous sommes au bord du gouffre.

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