Pensées et ravissements, Appel aux guerriers pacifiques -page 1 à 38

 

  

     

 

Pensées et ravissements

Appel aux guerriers pacifiques

 

 

 

 

Peggy Petit

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Éditions Le Manuscrit, 2006

www.manuscrit.com

 

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Finalement, ce livre n'a jamais vu le jour car une nouvelle équipe éditoriale a refusé la dernière version, plus engagée que la précédente, ceci car je n'entrais plus dans le programme de la nouvelle ligne éditoriale...


Cet ouvrage mêle spiritualité, récit de vie, dénonciation du pire se déroulant sous les cieux et appel à la tolérance des différences, véritable richesse de notre humanité sur cette si belle planète...

 

 


 


 

 

 

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     Introduction

 

« Dieu n’abandonne jamais ceux qui veulent être à ses côtés », pensais-je si soudainement et si fortement qu'il me fallut l’écrire aussitôt.

Du fond de l'obscurité d'un gouffre sans fond, je décidais de me raccrocher à ce qui me transcenderait, ne pouvant compter sur une estime personnelle trop fragile, construite tardivement et succinctement, dans la solitude des défis relevés et détruite maintes et maintes fois aussi loin que je me souvienne...

Dorénavant, il me fallait un bâton d'appui, solide, incassable, un fil conducteur, un apaisement de l'âme.

A partir de ce moment commença l’aventure partagée, une conversation intime avec un ami proche et pourtant invisible, tout ce que je pensais sans pouvoir le confier à mon entourage, je le livrerai au futur hypothétique lecteur…

Dorénavant je ne cesserai d’écrire au fil de mes ravissements à qui voudrait le lire un jour, emplissant ma céleste solitude d’espoirs nocturnes de communion, fut-elle tardive, fut-elle avec toi que je ne connais pas...

 

Sous la plume se glissa alors comme venue de nulle part une phrase issue d’un poème qui, je me le remémorais plus tard, était de Jean de La Fontaine : « Tout un chacun dépend de celui qu’il écoute ».

Ou qui l’écoute ? Je ne parvenais à me souvenir de la formule exacte. Alors ce questionnement en apporta bien d’autres.

Ce double sens me fit réfléchir un certain temps car, en fait, les deux formes sont nécessairement indissociables pour qu’un homme, social de par essence, puisse se développer. Échanger, converser, dialoguer...

Le besoin d'être écouté et respecté pour se construire, allant de paire avec un enseignement sage, porté par le cœur et la raison, permettant l'erreur et encourageant l'introspection...

Donc : écouter et être écouté... Pour le meilleur ou pour le pire...

Car cette essence sociale de l'humain est indépendante du bien et du mal, tout n’étant que potentialité. Nous tous avons le meilleur comme le pire en nous. Un enseignement influence la personne mais elle seule décide de ses paroles et actions.

Et le mal est si facile à répandre... Il est tellement plus facile de se conforter dans un sentiment de fausse puissance et dans ce plaisir de se sentir fort en anéantissant qui présente des signes de fragilité ou d'écart aux normes du groupe...

 

Ces quelques pensées étaient si subites qu’elles me donnaient l’impression de venir d’une tierce personne. Ma main écrivait et j'en étaiS la spectatrice. Je me sentais réceptionniste d’un message d’une grande envergure et cela me remplit d’amour. De quiétude, de sécurité, comme si des bras amicaux m'encerclaient d'une union fraternel.

 

Alors malgré cette solitude devenue si familière, palpable et carnassière, je savais que je n’étais plus seule.

Je ressentais de l’écoute et du réconfort, chose qu’on ne vit généralement pas en solitaire, ni même trop souvent à plusieurs…

Et j'avais le sentiment d'écouter le message d'un sage ancien, infiniment bon et doté d'une si belle humanité.

 

Je sentis une réelle chaleur m’envahir et j’eus l’impression que cet amour grossissait comme une bulle de savon qui finit par exploser.

Mille baisers, de mille sources coulèrent sur mon âme endolorie et l’apaisèrent d’un seul murmure. Et je replongeais à l'époque de mes dix-sept ans, lorsque les rêves éveillés me faisaient participer à une ronde spiralaire de mille âmes se donnant la main du ciel à la terre...

 

Je pris conscience que la trentaine enfin sonnée, n’était que le retour à une quête spirituelle et morale, longtemps mise de côté par la frénésie de la vie active, la soixantaine d'heures par semaine de travail et d'études et le mari violent...

Mais d’autres avant moi, à force d’attendre Le signe avaient ignoré la multitude de signes, de synchronicités ayant étayées leur chemin vers la réalisation de soi et la beauté vraie en soi et en toute chose.

 

Une évidence s’imposa alors : je devais préserver mon cœur de l’orgueil, de l'égo, de l’arrogance et de la vanité de l’homme moderne afin de rester connectée à la transcendance intrinsèque à tout ce qui existe : à chaque forme de vie, à chaque forme de matière et au vide si plein d'ondes sans cesse en voyage....

Ce travail devait être quotidien, tout comme les gammes d’un musicien. Peut-être alors serais-je épargnée par la matérialité aliénante et son macabre festin.

Que ce soit au fond de moi-même ou dans tout ce qui m’entoure, mon objectif devenait l’Infini, en toute humilité, en appréciant la moindre étincelle de vie, aussi dérisoire puisse-t-elle paraître à mes contemporains jusqu’aux immensités, aux fastes majestueux de Dame Nature évoluant sous leurs yeux aveugles.

 

Car, bien qu’il soit convenu que l’Essence Divine soit omniprésente, on ne s’en rend pas compte. Peu ont médité sur cette caractéristique divine et pourtant…

Toute chose sur Terre est à la fois composée de matière et, par le jeu sphérique des atomes, d’espaces vides.

Et le vide comme la matière ont tous deux leur utilité car, selon la onzième pensée de Lao Tseu : « On pétrit de la terre glaise pour faire des vases mais c’est de son vide que dépend l’usage des vases.

On perce des portes et des fenêtres pour faire une maison mais c’est de leur vide que dépend l’usage de la maison.

C’est pourquoi l’utilité vient de l’être, l’usage naît du non-être ».

Et d’ailleurs, seule la réfraction de la lumière désigne à notre sens visuel ce qui est matière et ce qui ne l’est pas... Et je serai bien curieuse de voir ce que voit un chat...

La voir, l’avoir... à chaque instant sous les yeux et en nous, arrogants imbéciles que nous sommes quand nous nous réclamons de l’ordre des clairvoyants, aveuglés par ce déséquilibre en faveur de la science et réclamant Le fait observable.

Ainsi, mon ambition n’est pas de convertir mon prochain à l’une ou l’autre des religions humaines mais de m’adresser avec confiance à cet ami idéal, cette belle âme collective représentant le bon en chacun de nous et, par ce partage, nous aider mutuellement à percevoir la vraie lumière et sortir de la caverne.

N’entendons nous pas ces anges qui nous appellent ?

 

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Tranches de vie

Ce chapitre est composé essentiellement de petites anecdotes sur ma vie quotidienne.

J’ai conscience également qu’en me livrant ainsi, je fournis à ceux qui voudraient me blesser ou me discréditer une précieuse arme.

Ainsi dit-on que le meilleur ami peut devenir le pire ennemi car en approchant notre intimité, il y décèle les failles dans lesquelles il peut s’engouffrer.

 

Mais là n’est pas ma préoccupation. A toi de décider si tu préfères être amis ou ennemis car c’est à tous que je m’adresse et à qui j’offre mon épée aiguisée.

D’ailleurs, ton regard ne retranchera ni n’ajoutera rien à ce que je suis, en tant qu’ entité semi-individuelle…

Car une moitié de moi-même est ce que je suis en mon for intérieur ,hors d’atteinte, parfaitement éthéré et l'autre, participant à cette dimension sociale, collective, de façon inconsciente.

Une partie encore n'est pas moi, ni ici mais là-bas. Qui intervient? Je ne pressents que du bien.

 

Bien que la réalisation de l'homme, sa prise de conscience sur ce qui est bon et mauvais en lui semble si éloignée de la triste réalité de ce monde où tout va de travers et où l'argent et la possession matérielle règnent, je pressens que nous n’attendrons pas en des temps géologiques cette ouverture d'esprit nécessaire, cette béatitude collective retrouvée face à la réelle beauté de l'authenticité... ou s'en sera fini de notre civilisation.

Place aux souvenirs et ravissements…

 

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Je me souviens de cet été 2006, où, pour la seconde fois en trente ans je pus approcher l’Océan Atlantique. Que ce fut aux temps de mon enfance ou pour l’adulte que j’étais devenue, l’attraction fut la même.

 

Comme aux temps de l'enfance, mes jambes se mirent à courir, obéissant à l’ordre que mon cœur leur donnait. Et au fur et à mesure que je m’approchais de l’immensité bleue, elles prenaient de la vitesse, sans que je ne puisse rien contrôler.

Puis, m’ agenouillant à ses pieds comme un chevalier le fait devant son roi, je rendis hommage à ce monarque tout puissant.

Ses grondements, sa force et son attirance étaient impressionnants. J’avais l’impression qu’il voulait m’engloutir.

Car le flux m’inondait de plus en plus et le reflux m’enfonçait de plus en plus dans le sable. J’étais incontestablement happée par l’océan déchainé.

Je pris peur et reculais vivement, certaine qu’il m’aurait avalée… Alors, je repris conscience de la réalité : j’avais perdu mes amis et une de mes tongs. Il faisait nuit... Il me fallait réagir.

 

Je partis donc à la recherche de la sandale égarée sur la plage endormie. Mais, inondée par le flot continu d’énergie provenant de l’immensité noire, je me mis de nouveau à courir. Et de sauter, et de tournoyer dans la ronde imaginaire formée avec les sirènes et les Néréides, les ondines et les naïades pour célébrer les retrouvailles !

Au hasard de la nuit, je passais quelquefois près des amoureux et des anonymes nocturnes qui toujours riaient de me voir ainsi virevolter tel un gai lutin.

On me félicita au passage pour le sprint déjanté accomplit quelques temps plus tôt !

J’étais ivre de joie et partageais cette ivresse avec d’autres moi-même.

 

Rejoint enfin par un de mes compagnons de route, celui-ci me raconta comment il avait vu ma folle silhouette du haut du promontoire de la plage.

Il m’expliqua comment j’avais effectué d’immenses cercles qui lui semblaient parfaits, ce qui l’avait étonné et m’étonna aussi…

L’ami de toujours partit s’allonger quelques heures dans la voiture tandis que je restais là, pensive…

 

Alors, face à cette grandeur, ce manifeste de puissance de belles heures méditatives se mirent à défiler.

J’étais sous l’emprise de la beauté de l’union majestueuse de l’océan et du ciel déchainé, zébré de magnifiques éclairs, comme autant de voiles de mariées.

 

Ce spectacle fabuleux surpassait de loin tous les feux d’artifices qu’il m’eut été donné de voir.

Mon cœur, débordant d’amour pour la Création en vint à prier pour mes contemporains, pour qu’ils ouvrent les yeux sur la beauté qui ne revêt ni ne consomme aucun artifice.

Face à ce macrocosme liquide et à cette électricité spontanée, j’eus alors la vision d’une parfaite opposition : l’eau et le feu. Et de plus, l’océan éternel et l’éclair si fugace…

Dame Nature associe si bien les différences.

Elle nous donne bien des leçons sans que nous dédaignions l’entendre alors qu’il est bien temps.

 

Parmi cette multitude d’éclairs, une infime partie me faisait le doux hasard de tomber juste face à moi, suscitant un mélange émotionnel assez saisissant de stupeur, de dévotion et de joie mêlées.

Ces frissons me donnèrent l’audace d’interpeller Le Créateur, de le prier de réitérer sa magnificence.

C’est alors que la tendance s’inversa en passant de un quinzième à un tiers des occurrences car je comptais les éclairs dans leur totalité et aussi ceux me faisant l'honneur de se manifester devant moi. Alors qu’ils n’étaient qu’une exception, ces éclairs « frontaux » devinrent généralité!

Mon âme se prosterna, emplie de gratitude et j’en étais à formuler des remerciements quand la hardiesse m’envahit de nouveau.

Intérieurement, je me mis à hurler : « Dieu, montre moi ta grandeur ! ».

 

Et bien que cela pu passer pour blasphématoire envers mes propres convictions (car rien n’est à nous prouver, microbes interstellaires que nous sommes), j’eus une réponse immédiate : le plus majestueux de tout les éclairs qu’il m’eut jamais été donné de voir et que je ne reverrai jamais plus atterrit bien plus près que les autres cette fois ci.

Son contact large et sphérique avec les nuages et son bras majestueux allant se rétrécissant vers l’océan dessinait une tornade. De petits filaments de foudre s’élançaient de cette colonne, sur toute sa hauteur et dans toutes les directions.

Alors que la distance était encore respectueuse de mes faibles capacités humaines, je pris peur et préféra stopper là toute audace.

 

C’est alors qu’un homme s’arrêta pour me demander du feu, chose logique puisque moi même je fumais.

Il me demanda ce que je faisais là, je sentis dans son regard qu’il s’inquiétait pour moi…

Il est vrai qu’une « petite demoiselle » assise par terre, derrière une barrière, seule dans la nuit, c’est plutôt incongru !

Je lui répondis que je priais pour que les yeux de mes contemporains s’ouvrent enfin.

Il m’exhorta à continuer et je vis en lui un homme de bonne volonté.

Il était infirmier, plein d’amour et de bons soins à donner à ceux qui en avaient le plus besoin… un frère en puissance ,un ange qui continua sa route en direction du bien, du beau et du vrai après avoir entretenu en moi la flamme de l’espoir.

Grâce à tous ces anges rencontrés sur mon chemin, j’avais encore foi en l'homme.

Bien plus d’une fois leur avait-il fallu se manifester pour me sauver in-extremis de la misanthropie. Car bien des fois avais-je été déçu par le comportement des hommes, par la bête immonde qui couvait en chacun de nous.

Et à chaque fois un être profondément humain me prouvait qu’il fallait persévérer, y croire encore malgré que Dame Nature était blessée, qu’elle hurlait aux hommes de cesser le carnage, tandis qu’ils ne l’entendaient pas, malgré que l’homme demeurait un loup pour l’homme, s’ auto-détruisant à petit feu.

Alors je sortais de mon asile intérieur et essayais encore une fois, l'éternelle ultime fois...

 

Je retournai enfin dans la voiture rejoindre le sommeil de mes compagnons mais je ne parvins à m’endormir, pleine de ces pensées. Une demi-heure plus tard, il était temps de se lever !

Cet été là, je connus pour la première fois l’absence de faim, de soif et de sommeil.

Mais alors que j’alternais jeun et mi-jeun, je ne m’étais jamais sentie aussi forte. Au point de gravir une côte en courant tout aussi facilement que si je la descendais avec cette sensation de ne plus toucher le sol, ou de ne plus en avoir besoin!

 

J’y pris un tel plaisir que je partis gambader le long des sentiers alentours, m’emplir des bienfaits des cinq éléments qui, en cet endroit, montraient tant de force. Car l’eau infinie de l'Océan Atlantique de la baie de Somme, la terre protectrice, l’azur si profond, le feu intérieur, le soleil et l’éther réunissant le tout m’offraient une énergie inépuisable.

 

A tel point que je cumulais nuits blanches et endormissements à même le sol. Car chaque nuit, je courais, dansais, conversais, chantais… jusqu’au moment où je tombais, m’endormant à l’endroit même de ma chute.

Mais le sommeil n’avait jamais été si doux, si reposant. Même le carrelage devenait doux comme du coton après des heures de danse éperdue.

Quant à la terre, elle ne m’a jamais meurtrie même auparavant car elle contient un pouvoir régénérateur. Et quel lit si doux que l’herbe si moelleuse et moussue de la forêt ancestrale de mon enfance.

 

L’ Océan, lui, était nouveau et je ne cessais d’écourter mes temps de repos pour pouvoir le découvrir sous tous ses angles…

Je ne vis jamais autant mes compagnons dormir tandis que je m’extasiais devant les beautés et largesses alentours. Chaque instant était magique, si rare, si précieux.

 

Alors que nous campions à même la plage, au lever du soleil, la faune ailée passa sous mes yeux ébahis.

Véritable guirlande de fête, telles les petites lumières clignotantes de Noël, Dame Nature m’offrait le plus fabuleux des spectacles.

En effet, cette double file indienne, par la magie de ses innombrables ailes déployées puis rabattues indéfiniment, reflétait et absorbait la lumière solaire, au fur et à mesure de la couleur du plumage présenté au firmament.

 

Et que dire de ces tours de galets de toutes les couleurs construites à même les pieds des compagnons endormis…

L’ami de toujours me raconta, à mon réveil, qu’il avait assisté, horrifié à la destruction par mon pied rêvassant de ces cathédrales chatoyantes qu’il venait juste de contempler.

Vert émeraude, jaune d’or, divers rouges rubis, grenats et orangés, noir, blanc offerts puis repris indéfiniment par l ’Océan…

Ramassant prestement, lors de folles et riantes courses-poursuites avec les vagues, ces cadeaux colorés aussi diverses que tranchés, je n’avais eu qu’à les unir selon leur sensibilité pour créer de petites œuvres d’art.

 

L’air désolé de mon ami me fit rire aux éclats car je jubilais de rejoindre ainsi la beauté des esprits de la nature, aussi éphémère qu’ éternelle comme le scintillement des gouttes de rosée au petit jour ou l’écume blanche et chantante des vagues à la marée montante, destinées à disparaître sitôt crées, tout comme ces tours de galets acrobatiques et bariolées.

 

Par l’enchantement de mes yeux à la richesse de la matière et à l’enchantement témoigné par mon camarade, mon cœur, de nouveau, s’enflamma d’amour pour la Création.

Nul besoin de s’attacher à une seule de ces beautés quand elles sont reproduites sans cesse sous la plus grande diversité de formes et de possibilités. L’authenticité naturelle est pur joyau.

Il s’agit simplement de la voir, de la sentir, de la toucher, de la percevoir.

Et pour l’apercevoir, il faut lever le voile, regarder avec les yeux du cœur, ceux de l’enfant.

 

Mais plus tard, dans l’après-midi, alors que la plage était envahie, j’allais encore apprendre à connaître ce vénérable Poséidon.

Après maintes et maintes courses-poursuites entre lui et moi, je le laissais me fracasser par des vagues aussi hautes que ma petite personne. Bras en croix, je fus projetée à une vitesse prodigieuse et par une force inouïe.

Les gens alentours commencèrent à protester face à mon inconscience. D’ailleurs j’étais sonnée par les galets propulsés à encore plus grande vitesse que moi lors du flux et qui m’avaient matraqué lors du reflux…

Mais heureusement, je ne fis que frôler le sceptre-trident de Neptune car je m’étais protégée la tête en mes bras, en imitant le vol de Superman.

La posture et la vitesse de propulsion étant proche dans mon imaginaire de celle du célèbre héros, je voulus réitérer cette expérience cinématographique. C’était vraiment grandiose de rentrer dans la peau du personnage !

Mais aussi très dangereux… Je ne le tentais plus qu’une fois, arrêtée à la fois par la protestation générale et quelques hommes se dirigeant vers moi mais aussi par un rocher qui m’avait surprise.

Emplie de respect face à cette immensité bleue, je déambulais, complètement saoulée par la puissance des chocs, vêtements collés à la peau, le long de cette plage ou les corps rôtissaient.

La chanson « People are strange » des Doors collait si bien à cette scène en total décalage que je me mis à la fredonner. J’avais le sentiment si fort que la vérité était ailleurs...

 

****

 

Projetons-nous maintenant à une autre époque de ma vie, six saisons plus tard.

Sur le pas de ma porte, prête à rentrer chez moi, me vint soudainement l’envie impétueuse de me promener en forêt.

Je savais le danger que cela représentait pour une femme seule avec un jeune enfant, mes proches m’ayant suffisamment avertie. Mais, sur le moment, je ne pus y songer face à la force de cet élan incontrôlable.

Dix minutes plus tard, mon vœu était exaucé.

Mais était-ce réellement le mien? Car il me semblait plutôt obéir tel un automate à un ordre impérieux. Dix minutes étranges où une tension grandissante me pressait au départ.

"Dépêche-toi, vite, vite, urgence..." ces mots tournaient en boucle dans mon esprit.

Mais étaient-ce les miens?

 

Arrivée à l’orée de la forêt d'Ardennes, je remarquais deux voitures garées. Je ne tardais pas à croiser la propriétaire de la première : une femme, seule comme moi, avec un enfant de deux ans tout au plus.

Chacune continua son chemin, préférant la quiétude de l’enfance et de la nature mêlées à une discussion de courtoisie. Nous étions là avant tout pour ressentir le bien-être procuré par le soleil à travers les branchages. Les gazouillis de nos enfants et des oiseaux était la seule chose que nous voulions entendre.

 

J’en étais à batifoler avec les fées sylvestres lorsque, tout à coup, j’entendis en moi l’ordre urgent de repartir. C’était à nouveau catégorique... Je sentais la menace imminente.

L’angoisse qui m’envahit alors était si forte qu’elle en devenait presque palpable. Même la nature semblait m’avertir.

"Sauve-toi, vite, vite, grand danger", de nouveau cette farandole de mots dans ma tête qui cette fois-ci émanaient de partout : du sol, des branches nues, de la luminosité...

Mon fils commença à protester mais je savais qu’il n’y avait pas une minute à perdre… J’eus rapidement raison de lui grâce à ce bon vieux loup qui rôde la nuit et mange les enfants. Et le ciel hivernal, pour m’aider, se teinta d’orange.

 

A l’approche de mon véhicule, je ne vis plus qu’une des deux autres voitures avec, devant son coffre ouvert, un homme occupé à retirer ses bottes.

Dès que je vis ce grand homme blond, je sentis de très mauvaises vibrations m’envahir et j’accélérais le pas.

L’homme se dirigea vers moi… Mes mains ne parvenaient pas à trouver les clés de voiture dans des poches remplies de papiers de bonbons ramassés en forêt. Les secondes paraissaient s'étirer à l'infini.

Avec un fort accent slave, il me dit bonjour, très aimablement, me dépassa et se planta au devant de ma voiture, faisant mine d’admirer l'étang gelé.

Je fis enfin asseoir mon fils sur son siège auto malgré ses protestations et les secondes interminables qui défilaient…

Profitant que je sois penchée sur mon fils, l’homme se rapprocha de moi. Il était à présent dans mon dos lorsque je me retournais...

Il recula d’un pas, surpris par mon volte face et l’extrême qui-vive qu’il lut dans mon attitude et mon regard car telle la lionne, la louve ou toute autre mère sauvage, j’étais prête à bondir et il le sentait.

Je pus fermer la porte arrière à clef tandis qu’il fit mine d’engager la conversation (« je ne suis pas du coin, comment s’appelle ce lac… »).

Sans le lâcher une seconde du regard, je m’engouffrais dans ma voiture et poussais le verrou.

L’homme, dépité, s’éloigna. Je vis le mal dans ses yeux, la rage de ne pas arriver à ses fins ce jour-là...

Si j’avais hésité un seul instant, si j’avais détourné le regard, si mon regard n’avait pas été celui d’une tigresse prête à défendre sa portée ou si je lui avais accordé les quelques secondes de conversations nécessaire à son élan… je suis persuadée que je ne serais plus là aujourd’hui pour vous rapporter cette anecdote à la Stephen King.

 

Stephen King… le site où je me trouvais se prêtait formidablement à cette atmosphère étrangement noire, teintée de fantastique qui lui appartenait.

À vrai dire la forêt des Ardennes Belges et Françaises vaut celle de Brocéliande en termes de légendes et d’étrangeté.

Elles font d'ailleurs partie du même massif ancestral et portent les mêmes vibrations communes au Petit Peuple (elfes, gnomes, fées et autres créatures...).

Ainsi, je me trouvais sur le site de l’étang de Dauby qui, d’après la légende, est l’endroit où demeure une âme en peine qui hurle à la nuit tombée.

Paraît-il qu’un jour fort lointain, l’homme fort du village, son ego sur la balance, s’enorgueillit de se rire de cette terreur locale lorsqu’il la rencontrerait au contraire des villageois qui en éprouvaient grande frayeur.

Il partit donc en forêt, seul, vers cet étang maudit lorsque vint la nuit, fort d’avoir misé sur sa propre tête.

Paraît-il qu’on le retrouva le lendemain dans les bois, muet de stupeur et les cheveux soudainement blanchis.

 

Mais cette ambiance lugubre, liée à ce qu'il venait de se produire et à la sauvagerie du lieu fit vite place à une luminosité sans pareille.

Je venais de vaincre un adversaire féroce dans un endroit dit autrefois maudit. La victoire était double !

 

Enfin de retour sur la route principale, je me mis à penser à la femme croisée plus tôt… Si je n’avais pas été là, que serait-il advenu d’elle et de son enfant ?

Je compris alors que cette impétueuse envie de ballade était un appel désespéré de l’ange gardien de cette dame. Si je l’avais intercepté, c’est que j’étais suffisamment réceptive d’une part et que l’on savait là-haut ou ici bas que je me montrerais à la hauteur de la tâche, que mon heure n’était pas encore venue.

 

A nouveau, je fis l’expérience étrange d’un mélange inaccoutumé d’émotions : une reconnaissance sans limite d’avoir été choisie comme instrument de secours et une terreur immense face à ce à quoi j’avais échappé puis la joie toute simple d’être encore de ce monde car j’avais encore bien d’autres missions à remplir.

 

Mais le sentiment de gratitude, la dévotion infinie, l’amour total pour la Nature et ses émissaires était plus fort que la sensation du danger encouru. Un court instant je me sentis invincible.

Cependant cette sensation d’invincibilité pouvait me permettre de faire de faux pas. Elle serait vaincue à son tour.

Rester humble et attentive, être prête à ressentir ce que les arbres ressentent entre eux, cela s'exerçait en silence, pour entendre le chant énergétique des mitochondries, le vol des spores, le ruissellement de la sève, le fourmillement de la vie sous terre et prendre autant d'importance dans ce microcosme que la feuille fanée au sol, riche de tant de promesses de renouveau.

Fusionner avec les éléments.

 

****

 

Alors bien sûr cela n’engage que moi mais je suis persuadée que chacun de nous est destinataire de signes plus ou moins visibles qu’il n’est donné qu’à lui seul d’interpréter.

Parfois ils sont aussi saillants qu’un seul arbre dans un champ à l’horizon tout comme cet éclair majestueux dont je me rappellerai toujours.

Parfois, leur discrétion n’aura d’égale que leurs répétitions, que l'on appelle des coïncidences ou processus de synchronicité (terme employé par James Redfield : La Vision des Andes et Et les hommes deviendront des Dieux, entre autres romans initiatiques...).

Alors, ils seront aussi fugaces qu’un léger courant d’air, coupés dès lors que nous fermons la porte.

 

Encore faut-il les capter, oser regarder le monde avec un regard d’enfant, limpide et ouvert.

Ainsi, faut-il absolument conserver l’enfant qui est en nous car ce n’est pas pour rien qu’il est dit que le royaume des cieux leurs appartient.

Râmakrishna nous l’enseigne à plusieurs reprises. D’abord en sa 731ème pensée : « Il faut avoir la foi d’un enfant innocent et ce même désir qu’il a de voir sa mère ».

Faites confiance à votre instinct, car sa voix intérieure, connectée à son environnement,  a permis à l’homme des cavernes (qui n’avait guère d’autres moyens) de pérenniser l’espèce et c’est grâce à quoi nous sommes là aujourd’hui.

Il est grand temps pour l’homo-modernicus de se reconnecter avec les potentialités qu’il renferme et qu’il nie, ne pouvant les expliquer.

Cela où la fin de l'humanité...

Cette difficulté est en partie expliquée par Nietzsche : “la conscience est la dernière et la plus tardive évolution de la vie organique et par conséquent ce qu'il y a de moins accompli et de plus fragile en elle".

Ironie du sort, c’est aujourd’hui que nous en avons le plus besoin et nous ne nous en sommes jamais autant séparés…

Cet état de conscience éveillée aux éléments, à Dame Nature, devient urgent, urgemment obligatoire...

Or, notre de système de pensées est formaté pour rejeter en bloc ce qui est inexplicable, non cartésien, non mesurable par les outils dont nous disposons.

Notre ego a écarté cette idée d’incompétence à interpréter l’évidence, cette incapacité remettant en cause sa toute puissance.

En réalité, nous n’avons jamais été séparés de rien, d’aucune de nos potentialités car seul notre esprit a conçu cette pensée…

Tout n’est qu’ illusion car, comme tout ce qui existe, nous faisons partie du Tout ! Et de Nietzsche encore : "tout individu collabore à l'ensemble du cosmos".

Nous vivons dans une sorte de Matrix, nous n’avons pas conscience que nous sommes reliés à la matrice et que l’Univers entier est en nous.

 

Khalil Gibran, dans Le Prophète, l’explique magnifiquement. Je cite : « Tout ce qui est dans la création existe en vous, et tout ce qui existe en vous est dans la création. Il n’est pas de frontière entre vous et les choses les plus proches, et il n’y a pas de distance entre vous et les choses les plus éloignées. Et toutes les choses, de la plus basse à la plus élevée, de la plus petite à la plus grande, sont en vous dans une complète égalité.

Dans un atome, on trouve tous les éléments de la terre ; dans un mouvement de l’esprit se trouvent tous les mouvements des lois de l’existence ; dans une goutte d’eau se trouvent tous les secrets des océans sans fin ; dans un aspect de vous, il y a tous les aspects de l’existence ».

En ça, mon cher ami, ma chère amie, nous avons le pouvoir de refaire le monde à chaque instant, à notre propre échelle, dans notre propre champ d’action.

 

D’autre part, qui n’a pas en mémoire un ou deux coups de chance incroyables, ne serait-ce qu’une chute amortie on ne sait comment au temps de l’enfance ?

N’avez-vous jamais eu cette impression d’être aidé dans une situation catastrophe ?

 

Je parle de ce qu’on pourrait appeler une aide providentielle, hormis le fait qu’elle ne provienne d’aucune source extérieure visible.

Ainsi, il y a peu de temps, alors que je me bagarrais dans le noir pour brancher une lampe, je pris quelques secondes de cet espace temporel pour entrer en mon Moi intérieur. Ce qu’on appelle plus communément prendre du recul.

Je demandai alors à mon « esprit magnétique » (la magnétite naturellement contenue dans le corps usuel) de guider ma main.

Et, aussi simplement que ça, fermant les yeux de surcroît (alors qu’on n’y voyait déjà rien dans le noir, autorisez vous à rire puisque je le fais!), je pus dire « que la lumière soit ! » dès la première tentative… la lumière fut! Ma main fut non seulement guidée vers la prise mais la fiche mâle et la fiche femelle s'emboitèrent comme deux amants épris.

N’avez-vous vraiment jamais eu cette impression d’être aidé dans un domaine peu maîtrisé, de trouver subitement la solution à ce qui était un casse-tête chinois depuis un moment ?

 

Certains l’appelleront « inspiration » mais cela serait alors réduire la chose à notre propre création intérieure, au fonctionnement brutal de nos facultés inexploitées (car en moyenne, sur dix, nous n’en utilisons qu’une paraît-il).

Mais quand les causes extérieures, indépendantes de notre volonté, nous rattrapent au vol avant le crash… ?

 

Alors, je devine qu’il s’agit de bien plus que de l’un ou de l’autre de ces états de fait. Bonne étoile ou anges gardiens?

La loi immuable selon laquelle tout va de paire me mène sur la voie : ces deux vérités sont complémentaires. L’une ne réfute pas l’autre.

Pourquoi, en effet, ne pas oser imaginer une entité d’un autre espace-temps, pénétrant le notre de façon aussi fugace que l’éclair pour nous apporter son aide tandis qu’une force insoupçonnée, celle dont on dit qu’elle déplace les montagnes, fructifie en nous de jour en jour ? Aide toi et le ciel t'aidera!

 

Bien sûr le contraire est aussi vrai, nous subissons aussi ce qu’on appelle « les coups du sort ». Et Shakespeare nous le rappelle. Je cite : « Les ennuis ne surviennent pas en simples espions mais par bataillons entiers ».

Parfois, la traversée du tunnel paraît être sans fin. Mais c’est justement dans cette obscurité totale qu’il faut sauver la flamme de l’espérance !

Car, tant qu'elle brille, nous pouvons extraire le positif du négatif, dont les signes sont de puissants indices de ce que nous avons à améliorer en nous.

Ainsi l’épreuve se révèle être une précieuse aide si nous nous en servons pour progresser sur notre propre sentier.

 

Les signes peuvent être positifs ou négatifs selon notre chemin de vie, là où nous en sommes dans notre compréhension et acceptation du combat à mener contre nous-mêmes. Ils sont toujours de précieux outils dont nous pouvons nous servir pour nous révéler à nous-mêmes.

Cette conviction trouve encore un écho en Khalil Gibran pour qui : « Les évènements heureux ou tristes sont la graine semée par le passé dans le champ de votre âme afin que le futur les mûrisse ».

 

De plus, si le jour de pluie est morose, la terre l’accueille avec joie. Ne dit-on pas encore : le malheur de l’un fait toujours le bonheur d’un autre. On ne peut que l’accepter.

Et quand le plus gros des problèmes est surmonté, les plus petits passent pour plaisanteries. Il n’est même plus besoin de s’y attarder. Ainsi les obstacles franchis nous rendent plus forts. Ils participent à notre éveil.

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